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Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/152

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Ce clairon avait des vibrations grêles, un peu argentines, dans ce beuglement formidable du vent.

Laver le pont quand les lames déferlent dessus, cela semblerait une opération très insensée à des gens de terre. Nous, nous ne trouvions pas cela trop extraordinaire ; cela se fait tous les matins, ce lavage, toujours et quand même ; c’est une des règles primordiales de la vie maritime. Et Yves me quitta en disant, comme s’il se fût agi de la chose du monde la plus naturelle :

— Ah !… Je m’en vais à mon poste de propreté, alors…

Cependant ce clairon avait péché par excès de zèle et sonné sans ordre, à son heure habituelle ; car on ne lava pas le pont ce matin-là.

… On sentait bien que c’était plus maniable, comme disait Yves : les mouvements étaient plus allongés, plus réguliers, plus semblables à des balancements de houle. La mer était moins dure, et on n’entendait plus tant de ces grands chocs au bruit profond et sourd.

Et puis le jour arrivait, — un vilain jour, il est vrai, une étrange lividité jaune, mais enfin c’était le jour, moins sinistre que la nuit.