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Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/170

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XL

15 novembre 1877.

La veille de ce départ, Yves avait obtenu par faveur d’aller à terre dans le jour pour voir à l’hôpital maritime son grand frère Gildas, le pêcheur de baleines, qui venait d’arriver à moitié perdu et qu’il n’avait pas vu depuis dix ans.

Gildas Kermadec était un homme de quarante ans, de haute taille, la figure plus régulière que celle d’Yves. On voyait encore dans ses grands yeux comme une flamme éteinte ; il avait dû être très beau.

Il était paralysé et mourant, perdu par l’eau-de-vie et les excès de tout genre ; il avait usé sa vie à plaisir, semé sa sève et ses forces sur tous les grands chemins du monde.

Il s’avança lentement, appuyé sur un bâton, encore droit et cambré, mais traînant la jambe, et le regard égaré.

— Ô Yves !… dit-il par trois fois, ô Yves ! ô Yves.

C’était à peine articulé ; la parole était aussi