Aller au contenu

Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenue de sauvage, et puis s’asseyaient insouciants sous l’ondée chaude, et laissaient pleuvoir.

Cela finissait toujours tout d’un coup ; on voyait le rideau noir s’éloigner lentement, continuer sa marche traînante sur la mer couleur de turquoise, et la lumière splendide reparaissait plus étonnante après ces ténèbres, et le grand soleil équatorial buvait très vite toute cette eau tombée sur nous ; les voiles, les bois du navire, les tentes retrouvaient leur blancheur sous ce soleil ; toute la Sybille reprenait sa couleur claire de chose sèche au milieu de la grande monotonie bleue qui s’étendait alentour.

De la hune où Yves habitait, en regardant en bas, on voyait que ce monde bleu était sans limite, c’étaient des profondeurs limpides qui ne finissaient plus ; on sentait combien c’était loin, cet horizon, cette dernière ligne des eaux, bien que ce fût toujours la même chose que de près, toujours la même netteté, toujours la même couleur, toujours le même poli de miroir. Et on avait conscience alors de la courbure de la terre, qui seule empêchait de voir au delà.

Aux heures où se couchait le soleil, il y avait en l’air des espèces de voûtes formées par des succes-