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Page:Loti - Prime Jeunesse, 1919.djvu/237

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le monde, — ce minuscule réduit avait fidèlement rempli son rôle de reliquaire enfantin pour pauvres petites choses sacrées. Je me hâtai de desceller aussi la fenêtre, afin de laisser pénétrer de l’air vivant et aussi de revoir les lointains de la plaine d’herbages où notre rivière serpente ; alors, des abeilles, des guêpes, qui sans doute se souvenaient, entrèrent aussitôt en dansant, comme pendant les premiers étés de ma vie.

Ensuite, à la grande chaleur du milieu du jour, vint cet instant que j’avais désiré depuis des mois, celui de rouvrir mon piano, et là, avec maman, nous deux seuls, de lui jouer un peu de mon répertoire nouveau, à ma manière nouvelle. Tout se passa exactement comme je l’avais rêvé ; une fraîcheur, exquise après la fournaise du dehors, avait été maintenue, comme aux étés d’autrefois, dans notre salon rouge laissé en pénombre et dont aucun bruit ne troublait la sonorité propice. Pendant toute mon absence, on avait laissé dormir ce piano