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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/101

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LE ROMAN D’UN ENFANT

délicates. — Il en trouvait qui faisaient son admiration — et les petits, toujours silencieux, qui suivaient, lui en apportaient aussi plein leurs mains, sans rien dire.

Véronique était une des plus assidues. À peu près de son âge, un peu plus jeune peut-être, six ou sept ans. Un petit visage doux et rêveur, au teint mat, avec deux admirables yeux gris ; tout cela abrité sous une grande kichenote blanche (kichenote, un très vieux mot du pays, désignant une très vieille coiffure : espèce de béguin cartonné, qui s’avance comme les cornettes des bonnes sœurs, pour abriter du soleil), Véronique se glissait tout près de Pierre, finissait par s’emparer de sa main et ne la quittait plus. Ils marchaient comme les bébés qui se plaisent, se tenant ferme à pleins doigts, ne parlant pas et se regardant de temps en temps… Puis, un baiser, par-ci par-là. Voudris ben vous biser (je voudrais bien vous embrasser), disait-elle en lui tendant ses petits bras avec une tendresse touchante. Et Pierre se laissait embrasser et le lui rendait bien fort, sur ses bonnes petites joues rondes.

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Petite Véronique courait s’asseoir à notre porte le matin dès qu’elle était levée ; elle s’y tenait tapie comme un gentil caniche et elle attendait. Pierre en s’éveillant pensait bien qu’elle était là ; pour elle, il se faisait matinal ; vite il fallait le laver, peigner ses cheveux blonds, et il courait retrouver sa petite amie. Ils s’embrassaient et se parlaient de leurs trouvailles de la veille ; quelquefois même, Véronique, avant de venir là s’asseoir, avait déjà fait un tour à la plage et rapportait des merveilles, cachées dans son tablier.