Aller au contenu

Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
LE ROMAN D’UN ENFANT

inauguré, pour la clôture de ces soirées des dimanches d’hiver sur lesquelles flottait plus attristante que jamais la pensée des devoirs du lendemain. Après le thé, quand je pressentais que c’était fini, qu’on allait partir, j’entraînais cette petite Marguerite dans la salle à manger, et nous nous mettions à courir comme des fous autour de la table ronde, faisant à qui attraperait l’autre, avec une espèce de rage. Elle était tout de suite attrapée, cela va sans dire, moi presque jamais ; aussi était-ce toujours elle qui poursuivait, et avec acharnement, en frappant des mains sur la table, en criant, en menant un tapage d’enfer. À la fin, les tapis étaient retournés, les chaises dérangées, tout au pillage. Nous trouvions cela stupide, nous les premiers, — et c’était du reste beaucoup plus enfant que mon âge. Je ne savais même rien de mélancolique comme ce jeu des fins de dimanche, sur lequel planait l’effroi de recommencer demain matin la pénible série des classes. C’était simplement une manière de prolonger in extremis cette journée de trêve ; une manière de m’étourdir à force de bruit. C’était aussi comme un défi jeté à ces devoirs qui n’étaient jamais faits, qui pesaient sur ma conscience, qui troubleraient bientôt mon sommeil, et qu’il faudrait bâcler avec fièvre demain matin dans ma