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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/253

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LE ROMAN D’UN ENFANT

soin de le cacheter et d’écrire solennellement sur l’enveloppe : « C’est ma dernière volonté que l’on brûle ce cahier sans le lire. »

Mon Dieu, j’ai bien changé depuis cette époque. Mais ce serait beaucoup sortir du cadre de ce récit d’enfance, que de conter par quels hasards et par quels revirements dans ma manière, j’en suis venu à chanter mon mal et à le crier aux passants quelconques, pour appeler à moi la sympathie des inconnus les plus lointains ; — et appeler avec plus d’angoisse à mesure que je pressens davantage la finale poussière… Et, qui sait ? en avançant dans la vie, j’en viendrai peut-être à écrire d’encore plus intimes choses qu’à présent on ne m’arracherait pas, — et cela pour essayer de prolonger, au delà de ma propre durée, tout ce que j’ai été, tout ce que j’ai pleuré, tout ce que j’ai aimé…