Aller au contenu

Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246
LE ROMAN D’UN ENFANT

tour je rapportais toujours des gerbes de ces fleurs.

Dans cette même région, venait d’éclore une peuplade éphémère de toutes petites phalènes noires et roses (du même rose que les amourettes) qui dormaient posées partout sur les longues tiges des herbes, et qui s’envolaient comme un effeuillement de pétales de fleurs, dès qu’on agitait ces foins. C’est à travers d’exquises limpidités d’atmosphère de juin, que me réapparaît tout cela… Pendant la classe de l’après-midi, l’idée de ces grandes prairies qui m’attendaient, me troublait encore plus que l’air tiède et les senteurs printanières entrant à pleines fenêtres.

Mais j’ai surtout gardé le souvenir d’un soir où ma mère nous avait promis, par exception, d’être de la promenade, pour voir, elle aussi, ces champs d’amourettes. Cette fois-là, plus distrait que de coutume, j’avais été menacé de retenue par le Grand-Singe, et tout le temps de la classe je m’étais cru puni. Cette retenue du soir, qui nous gardait une heure de plus par ces beaux temps de juin, était toujours un cruel supplice. Mais surtout j’avais le cœur serré en songeant que maman viendrait précisément là m’attendre, — et que les printemps étaient courts, qu’on allait bientôt faucher les foins, que