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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/304

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LE ROMAN D’UN ENFANT

maintenues dans une courtoisie inaltérable et ne ressemblaient pas aux relations ordinaires des enfants entre eux. Je les aimais de très bon cœur ; pour eux, je me serais fait couper en quatre, et m’imaginais vraiment que cela durerait ainsi toute la vie.

Exclusif k l’excès, je considérais le reste de la classe comme n’existant pas ; cependant un certain moi superficiel, pour le besoin des relations sociales, se formait déjà comme une mince enveloppe, et commençait à savoir se maintenir à peu près en bons termes avec tous, tandis que le vrai moi du fond continuait de leur échapper absolument.

En général, je trouvais moyen d’être assis entre mes deux amis, André et Paul. Et, si on nous séparait, nous échangions de continuels billets à mots couverts, en une cryptographie dont nous avions seuls la clef.

Toujours des confidences d’amour, ces lettres-là : « Je l’ai vue aujourd’hui ; elle portait une robe bleue avec de la fourrure grise, et une toque avec une aile d’alouette, etc., etc. » — Car nous avions chacun fait choix d’une jeune fille, qui formait le sujet ordinaire de nos très poétiques causeries.

Un peu de ridicule et de bizarrerie se mêle infailliblement à cette époque transitoire de l’âge des