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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/320

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LE ROMAN D’UN ENFANT

mis l’adresse : le nom de mon frère et le nom d’un pays d’Extrême Orient où il se trouvait alors. — Rien de plus à faire maintenant, que d’aller porter cela au bureau de poste du village ; mais je restai là longtemps assis, très songeur, adossé au mur chaud sur lesquels couraient des lézards et gardant sur mes genoux, avec épouvante, le petit carré de papier où je venais de fixer mon avenir. Puis, l’envie me prenant de jeter les yeux sur l’horizon, sur l’espace, je mis le pied dans cette brèche familière du mur par laquelle je montais pour regarder fuir les papillons imprenables, et je me hissai des deux mains jusqu’au faîte, où je demeurai accoudé. Les mêmes lointains connus m’apparurent, les coteaux couverts de leurs vignes déjà rousses, les montagnes dont les bois jaunis s’effeuillaient, et, là-bas, haut perchée, la grande ruine rougeâtre de Castelnau. En avant de tout cela, était le domaine de Bories, avec son vieux porche arrondi, peint à la chaux blanche, et, dès que je le regardai, la chanson plaintive : « Ah ! ah ! la bonne histoire !… » me revint à l’esprit, étrangement chantée, en même temps que me réapparut ce papillon « citron-aurore » qui était piqué depuis deux ans là-bas, sous une vitre de mon petit musée…

L’heure approchait où la vieille diligence campa-