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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/49

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LE ROMAN D’UN ENFANT

Oh ! que je l’ai aimée, cette cour, et que je l’aime encore !

Les plus pénétrants premiers souvenirs que j’en aie gardés, sont, je crois, ceux des belles soirées longues de l’été. — Oh ! revenir de la promenade, le soir, à ces crépuscules chauds et limpides qui étaient certainement bien plus délicieux alors qu’aujourd’hui ; rentrer dans cette cour, que les daturas, les chèvrefeuilles remplissaient des plus suaves odeurs, et, en arrivant, apercevoir dès la porte toute cette longue enfilade de branches retombantes !… Par-dessous un premier berceau, de jasmin de la Virginie, une trouée dans la verdure laissait paraître un coin encore lumineux du rouge couchant. Et, tout au fond, parmi les masses déjà assombries des feuillages, on distinguait trois ou quatre personnes bien tranquillement assises sur des chaises ; — des personnes en robe noire, il est vrai, et immobiles — mais très rassurantes quand même, très connues, très aimées : mère, grand’mère et tantes. Alors je prenais ma course pour aller me jeter sur leurs genoux, — et c’était un des instants les plus amusants de ma journée.