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Page:Loti - Roman d’un enfant, éd. 1895.djvu/79

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LE ROMAN D’UN ENFANT

— Penses-tu que tu t’envoleras bientôt ?

— Oh ! je sens que ça ne sera pas long cette fois ; dans mes épaules, déjà… ça se déplie… (Ça, naturellement, c’étaient les ailes.)

Enfin on se réveillait ; on s’étirait, en prenant des poses et sans plus rien se dire, comme pénétré du grand phénomène de la transformation finale…

Puis, tout à coup, on commençait des courses folles, — très légères, en petits souliers minces toujours ; à deux mains on tenait les coins de son tablier de bébé, qu’on agitait tout le temps en manière d’ailes ; on courait, on courait, se poursuivant, se fuyant, se croisant en courbes brusques et fantasques ; on allait sentir de près toutes les fleurs, imitant le continuel empressement des phalènes ; et on imitait leur bourdonnement aussi, en faisant : « Hou ou ou !… à la bouche à demi fermée et les joues bien gonflées d’air…