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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/22

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combien j’étais heureuse ! Maintenant, s’il revient je ne l’aimerai plus ! Maintenant tu m’as dit ! Ah que tu es méchant ! »

Il l’enlaça tout à fait et lui caressa les cheveux.

Oh ! Non ! Non ! Non !… Non ! cria-t-elle encore. Oh ! pas toi ! Oh ! pas cela ! Oh ! le Cygne ! S’il revenait… Hélas ! Hélas ! tout est fini, tout est fini. »

Elle restait les yeux ouverts, sans pleurer, et la bouche ouverte et les mains tremblantes d’effarement.

« Je voudrais mourir. Je ne sais pas même si je suis mortelle. Je voudrais mourir dans l’eau, mais j’ai peur des naïades, et qu’elles ne m’entraînent avec elles. Oh ! Qu’ai-je fait ! »

Et elle sanglota bruyamment sur son bras.

Mais une voix grave parla devant elle, et comme elle ouvrit les yeux, elle vit le dieu du fleuve couronné d’herbes vertes et qui sortait à demi des eaux, appuyé sur un gouvernail de bois clair.

Il disait :

« Tu es la nuit. Et tu as aimé le symbole de tout ce qui est lumière et gloire, et tu t’es unie à lui.

» Du symbole est né le symbole et du symbole naîtra la Beauté. Elle est dans l’œuf bleu qui est sorti de toi. Depuis le commencement du monde, on sait qu’elle s’appellera Hélène ; et celui qui sera le dernier homme connaîtra qu’elle a existé.

» Tu as été pleine d’amour parce que tu as tout ignoré. C’est à la louange des bienheureuses ténèbres.