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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 3.djvu/51

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… Un soir, comme il avait marché longtemps sous un rayonnement douloureux, et que déjà ses pieds fatigués portaient la marque étrécie des courroies, il approcha d’une maison brune et verte, élevée seule au bord du Nil avec de la vase sèche et des stipes entre-croisées. Des palmiers lourdement chevelus croissaient nombreux autour d’elle, et elle était à ce point envahie par les larges herbes du fleuve qu’on l’eût dite flottante sur l’eau même ou en péril dans un marais.

L’épaule reposée contre un arbre, Biôn, immobile, regarda :

Deux jeunes filles, devant l’ouverture de la porte, rieuses par moments, se parlaient.

L’aînée, était debout dans une grande étoffe bleue à franges, nouée sous les aisselles, drapée jusqu’aux genoux. Ses innombrables cheveux noirâtres étaient séparés en mille petites tresses minces et dures, qui encadraient de près un visage aux yeux luisants et aux grosses lèvres, et ne retombaient pas au delà de ses délicates épaules carrées. Elle pliait les reins à une barrière basse. Elle riait un peu et balançait la tête.

La plus jeune n’était pas vêtue, car elle était presque une enfant. Elle se tenait assise sur ses talons, la tête penchée entre les genoux, et piquait de petites fleurs jaunes entre ses orteils écartés.

Il les regardait vivre et ne se montrait pas. Il contemplait la Maison. Ce lieu, mystérieux comme