Aller au contenu

Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Parle-lui, dit-elle. Aie confiance. Il l’aime : il lui veut du bien.

— Je vois clairement qu’il l’aime, répondit Chimairis. S’il l’aime, il lui veut du mal. S’il l’aime je ne parlerai pas. »

Démétrios eut un frisson de colère, mais se tut.

« Donne-moi ta main, lui dit la Juive. Je verrai là si je me suis trompée. »

Elle prit la main gauche du jeune homme et la tourna vers le clair de lune. Melitta se pencha pour voir, bien qu’elle ne sût pas lire les mystérieuses lignes ; mais leur fatalité l’attirait.

« Que vois-tu ? dit Démétrios.

— Je vois… puis-je dire ce que je vois ? M’en sauras-tu gré ? Me croiras-tu, seulement ? Je vois d’abord tout le bonheur ; mais c’est dans le passé. Je vois tout l’amour, mais cela se perd dans le sang…

— Le mien ?

— Le sang d’une femme. Et puis le sang d’une autre femme. Et puis le tien, un peu plus tard. »

Démétrios haussa les épaules. Quand il se retourna, il aperçut Melitta fuyant à toutes jambes dans l’allée.

« Elle a eu peur, reprit Chimairis. Pourtant ce n’est pas d’elle qu’il s’agit, ni de moi. Laisse aller les choses, puisqu’on ne peut rien arrêter. Dès avant ta naissance, ta destinée était certaine. Va-t’en. Je ne parlerai plus. »

Et elle laissa retomber la main.