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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/126

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ouvre tes deux mains sur mes yeux, Démétrios… celle de l’Amour… et celle de la Mort… et si tu fais ainsi, je mourrai sans regret. »

Il tourna vers elle un regard sans réponse, mais elle crut y lire le « oui » qu’il n’avait pas prononcé.

Transfigurée pour la seconde fois, elle releva un visage nouveau d’où le désir renaissant chassait la terreur avec une force désespérée.

Elle ne lui parla plus, mais déjà, entre ses lèvres qui ne devaient pas se refermer, chacune de ses haleines chantait à voix basse, comme si elle entrait en amour avant même d’obtenir l’étreinte.


Cette suprême victoire, elle l’obtint pourtant.

Déchirant d’un seul geste sa tunique légère, elle en fit dans sa main une boule de mousseline qu’elle jeta derrière elle avec un sourire à peine attristé. Son corps jeune et fin s’étendit pour toujours dans une félicité trop vive pour ne pas être éternelle, et comme son amant, distrait, ou peut-être hésitant et anxieux, achevait le geste de l’Amour sans dessiner celui de la Mort :

« Ah !… cria-t-elle tout à coup. Mais tue-moi donc !… mais tue-moi donc, Démétrios, qu’attends-tu ! »

Il se souleva sur le poing, regarda encore Touni qui levait d’en bas vers lui deux larges yeux