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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/216

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un nez courbe, assez fin, on s’étonnait de lui voir des lèvres presque épaisses. Ses tout jeunes seins, très ronds, très petits et très séparés se couronnaient de grosses aréoles en boule : par là elle était fille du Nil.

La petite princesse habitait une chambre spacieuse, ouverte sur la vaste mer, et unie à celle de la reine par un vestibule à colonnes.

Elle y passait les heures nocturnes sur un lit de soie bleuâtre où la peau de ses jeunes membres, déjà finement teintée, prenait une coloration encore plus sombre.


Or dans la nuit où éclatèrent, très loin d’elle et de ses pensées, tous les événements qu’on vient de lire, Cléopâtre se leva bien avant l’aurore. Elle avait mal et peu dormi, inquiète de sa puberté récente, dans l’extrême chaleur de l’air.

Sans éveiller ses gardiennes, elle posa doucement ses pieds sur le sol, y attacha des anneaux d’or, ceignit son petit ventre brun avec un rang d’énormes perles et, ainsi vêtue, sortit de la pièce.

Dans le vestibule monumental, les gardes, eux aussi, dormaient, sauf un qui faisait sentinelle à la porte de la reine.

Celui-ci tomba sur les genoux et murmura en pleine épouvante, comme s’il ne s’était jamais trouvé aux prises avec un pareil conflit de devoirs et de périls :