Aller au contenu

Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

baignaient dans un ruisseau limpide où l’on trouvait des coquillages rouges sous des touffes de lauriers en fleurs ; et il y avait des fleurs sur l’eau et des fleurs dans toute la prairie et de grands lys sur les montagnes.

Elle avait douze ans quand elle s’échappa pour suivre une troupe de jeunes cavaliers qui allaient à Tyr comme vendeurs d’ivoire et qu’elle aborda devant une citerne. Ils paraient des chevaux à longue queue avec des houppes bigarrées. Elle se rappelait bien comment ils l’enlevèrent, pâle de joie, sur leurs montures, et comment ils s’arrêtèrent une seconde fois pendant la nuit, une nuit si claire qu’on ne voyait pas une étoile.

L’entrée à Tyr, elle ne l’avait pas oubliée non plus : elle, en tête, sur les paniers d’un cheval de somme, se tenant du poing à la crinière, et laissant pendre orgueilleusement ses mollets nus, pour montrer aux femmes de la ville qu’elle avait du sang le long des jambes. Le soir même, on partait pour l’Égypte. Elle suivit les vendeurs d’ivoire jusqu’au marché d’Alexandrie.

Et c’était là, dans une petite maison blanche à terrasse et à colonnettes, qu’ils l’avaient laissée deux mois après, avec son miroir de bronze, des tapis, des coussins neufs, et une belle esclave hindoue qui savait coiffer les courtisanes. D’autres étaient venus le soir de leur départ, et d’autres le lendemain.