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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/262

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j’entends de ta bouche ? Ai-je eu conscience de ton odieux rêve ? Ai-je été de moitié dans ce bonheur dont tu parles et que tu m’as volé, volé ! A-t-on jamais ouï-dire qu’un amant eût un égoïsme assez épouvantable pour prendre son plaisir de la femme qui l’aime sans le lui faire partager ?… Cela confond la pensée. J’en deviendrai folle. »


Ici Démétrios quitta son ton de raillerie, et dit, d’une voix légèrement tremblante :

« T’inquiétais-tu de moi quand tu profitais de ma passion soudaine pour exiger, dans un instant d’égarement, trois actes qui auraient pu briser mon existence et qui laisseront toujours en moi le souvenir d’une triple honte ?

— Si je l’ai fait, c’était pour t’attacher. Je ne t’aurais pas eu si je m’étais donnée.

— Bien. Tu as été satisfaite. Tu m’as tenu, pas pour longtemps, mais tu m’as tenu néanmoins dans l’esclavage que tu voulais. Souffre qu’aujourd’hui je me délivre !

— Il n’y a d’esclave que moi, Démétrios.

— Oui, toi ou moi, mais l’un de nous deux s’il aime l’autre. L’Esclavage ! L’Esclavage ! voilà le vrai nom de la passion. Vous n’avez toutes qu’un seul rêve, qu’une seule idée au cerveau : faire que votre faiblesse rompe la force de l’homme et que votre futilité gouverne son intelligence ! Ce