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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/49

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nait telle volupté chez lui qu’il ne se souvenait plus d’avoir vu le soleil de midi depuis des mois.

Il s’ennuyait. La reine était fastidieuse.


À peine pouvait-il comprendre, cette nuit-là, la joie et l’orgueil qui l’avaient envahi, quand, trois ans auparavant, la reine, séduite peut-être plus par le bruit de sa beauté que par le bruit de son génie, l’avait fait mander au palais et annoncer à la Porte du Soir par des sonneries de salpinx d’argent.

Cette entrée éclairait parfois sa mémoire d’un de ces souvenirs qui, par trop de douceur, s’aigrissent peu à peu dans l’âme, au point d’être intolérables… La reine l’avait reçu seul, dans ses appartements privés qui se composaient de trois petites pièces, moelleuses et sourdes à l’envi. Elle était couchée sur le côté gauche, et comme enfouie dans un fouillis de soies verdâtres qui baignaient de pourpre, par reflet, les boucles noires de sa chevelure. Son jeune corps était vêtu d’un costume effrontément ajouré qu’elle avait fait faire sous ses yeux par une courtisane de Phrygie, et qui laissait à découvert les vingt-deux endroits de la peau où les caresses sont irrésistibles, si bien que, pendant toute une nuit et dût-on épuiser jusqu’aux derniers rêves l’imagination amoureuse, on n’avait pas besoin d’ôter ce costume-là.