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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/132

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II


La secousse rejeta en arrière les deux sœurs qui, d’une seule voix, gémirent :

— Ah ! mon Dieu !

Madeleine baissa la tête et, par la glace d’avant, regarda le siège :

— Mon Dieu ! dit-elle encore. Ce n’est pas Alexandre…

— Tu dis ?

— Nous sommes enlevées… Ce n’est pas Alexandre qui conduit.

— Je vais sauter…

— Armande, tu es folle… nous faisons du quarante ; tu sauterais à la mort !

Si elles n’avaient pas été ensemble, chacune d’elles eût pourtant sauté ; mais, par un sentiment analogue à celui que nous éprouvons au bord d’un gouffre, lorsque le péril de nos compagnons nous donne plus de vertige que notre danger, Amande et Madeleine pensèrent en même temps : « Moi, je pourrais sauter, mais elle se tuerait. »

Leurs mains qui tremblaient se cherchèrent, se prirent et se maintinrent serrées sur le cuir des coussins.

La vitesse du coupé restait excessive. Au passage d’un petit caniveau, un choc brusque plaqua les ressorts, souleva deux roues qui tourbillonnèrent à vide, et tout fléchit, rebondit,