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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/204

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d’urgence dans une famille protestante pour soigner une femme de trente ans que j’avais vue naître, ou à peu près. J’entre. Je trouve une maladie à début dramatique : 40° de fièvre ; trois heures après, le frisson et le claquement de dents. Un point de côté devint bientôt sensible. Dans la soirée, il avait beaucoup augmenté. La toux était forte, la respiration haletante et rapide, les crachats visqueux et sanguinolents : bref, une belle pneumonie.

Le lendemain, la température se maintenait à 40°; le surlendemain, elle approchait de 41°. Vous voyez d’ici le mari affolé, la vieille bonne en larmes, et la mère s’accrochant à mes bras : « Sauvez-la ! Sauvez-la ! » Je ne sais si toute cette émotion avait été entendue par la malade, mais je trouvai celle-ci dans un état d’abattement qui n’était pas seulement causé par la fièvre.

Dès que je fus seul avec elle :

— Je vais mourir, n’est-ce pas, docteur !

— Allons donc ! pour un accès de fièvre !

— Dites-moi la vérité, je vais mourir, n’est-ce pas ? C’est pour aujourd’hui ?

— Vous n’êtes pas même en danger.

— Ah ! vous ne me parlez pas sincèrement… Je sens bien que je m’en vais… Je suis déjà plus qu’à moitié morte… Si ma fièvre continue ainsi, je ne passerai pas la nuit, docteur, je n’ai plus la force de respirer…