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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/15

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Le passage d’Eupatoria et le passage Notre-Dame-de-la-Croix sont deux sentiers fleuris du Vieux Ménilmontant, village à peu près inexploré qui s’étend de la rue de Belleville au Père-Lachaise. Les Parisiens dépassent rarement le faubourg Montmartre, plus rarement encore l’Ambigu dans leurs courses les plus lointaines, et l’on peut dire que la place de la République est l’extrême limite de leurs excursions. De là, il faut encore marcher très longtemps et traverser des quartiers étranges avant d’arriver à l’église dans l’ombre de laquelle les deux passages sinueux montent vers les Buttes.

Ils sont bordés de petits jardins, mais on ne saurait passer en automobile entre leurs vieilles grilles de bois. Ce sont des ruelles vertes avec quelques arbres fruitiers, des vergers pauvres, des fleurs jeunes enroulées aux piliers séniles. Les indigènes qui ont là leur foyer forment une tribu à part, qui ne descend jamais à Paris, pas plus que Paris ne monte à elle. Une atmosphère de silence et presque de félicité apparente se répand sur ce hameau de paysans parisiens avec l’effluve des pois de senteur et de quelques seringas blancs.

Quand Mme Vannetty eut franchi le dernier seuil, elle se retourna vers Aimery Jouvelle et lui dit :

« Imaginez-vous que je viens ici une fois par semaine depuis dix-huit mois. Ma famille s’est toujours intéressée aux pauvres de Ménilmontant ;