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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/203

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où il faut, avant tout, savoir bien comprendre ce que dit la Dame invisible.

Bien entendu, c’est une façon de parler. Ne crois pas que je sois toqué. Cela signifie simplement que l’imagination travaille toute seule comme elle sait si bien le faire dans les rêves ; que la volonté est impuissante à la diriger et que la conscience a toutes les peines du monde à la comprendre.

Travailler, pour moi, c’est donc prendre conscience du travail spontané qui se fait dans mon imagination. Mais j’ai bien le sentiment que cette imagination est étrangère à moi ; qu’elle est très supérieure à moi ; beaucoup plus intelligente que je ne le suis.

Les écrivains qui ne sont pas consacrés aux choses d’imagination croient que la Muse est une allégorie, comme le Commerce et l’Industrie qu’on voit sur les billets de banque. Pas le moins du monde. C’est une illusion de notre esprit, mais cette illusion ressemble à une personne réelle comme le mirage ressemble à l’eau ; c’est-à-dire qu’on s’y tromperait.

Seulement, pour réussir ces phénomènes de télégraphie sans fil entre le pôle imagination et le pôle conscience, il faut que l’appareil soit placé dans un équilibre de laboratoire. Un bruit, une douleur physique, une inquiétude, une scène avec la bonne, une mauvaise plume, un col trop étroit, une chatte qui miaule ou une mouche qui passe : la transmission s’interrompt et c’est le diable pour la rétablir.