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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/62

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— Mais tu es amoureuse à périr, ma pauvre petite ! amoureuse comme une pensionnaire ! Voyons, qui est-ce ? René Marcenay ? Jean de Sarens ? Aimery Jouvelle ?… Oh ! c’est lui, n’ajoute rien, ton visage le nomme assez. Tu l’as bien choisi, Nichette, il est délicieux.

— Je ne l’ai pas choisi, soupira Psyché, je le repousse de toute mon âme.

— Et depuis quand le… repousses-tu ? Je vous ai vus ensemble mercredi soir chez ma tante de Horges ; vous n’aviez pas l’air de vous chercher ni de vous fuir ! Jamais je ne me serais doutée des tragédies que vous jouez ensemble.

— Il s’est déclaré ce matin. Et il veut m’enlever ce soir !

— Ah ! il est vif, ton flirt ! dit Charlotte suffoquée.

— Je suis encore assez forte, grâce à Dieu, pour résister à une invitation de ce genre, mais la scène que j’ai eue me laisse épuisée… Je ne me reconnais plus… Je doute de moi, sinon pour le présent, au moins pour l’avenir… Tu sais ma vie, Charlotte, je n’ai rien dans mon passé. Ce que je te dis là, je voudrais me le répéter le jour de ma mort, garder ma fierté jusqu’au bout. Elle est ma seule joie. Si je la perdais, il me semble que tout serait en ruine autour de moi… Charlotte, j’ai besoin de ton amitié ! Soutiens-moi, parle-moi, je ne veux pas déchoir, ni à tes yeux, ni aux miens ! Ah ! je suis