Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/190

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nal : la France. Je me suis plongé dans les détails du voyage de Frédéric III, empereur d’Allemagne, depuis vendredi à 8 h. 28 m. du matin. J’ai lu une chronique stupide de Clovis Hugues, etc., etc., et quand j’ai levé les yeux pour descendre, place Saint-Sulpice, j’ai aperçu dans l’omnibus, à la première place de droite, en avant… devinez qui ? Leconte de Lisle. Et moi qui ne l’ai pas vu ! Quand j’aurais pu si bien le regarder et me réciter ses vers, lui sous mes yeux ! Je suis descendu très lentement, et je l’ai regardé d’en bas, fixement, avec cette « french impudence » qu’on nous reproche à Londres ; mais, ma foi, tant pis ! On n’a pas si souvent l’occasion de voir un des plus grands poètes aient existé.

Leconte de Lisle a une tête bien caractéristique : de grands cheveux blancs arrondis à la vénitienne retombent tout autour de sa figure, très bas, serrés en haut par un énorme chapeau haut de forme évasé, aux bords énormes. Sa figure est plutôt grosse, un second menton énorme se détache sur son col ouvert. Sa peau est d’un brun sale et granulée. Il porte un monocle de buffle noir sur son œil droit. C’est la seconde fois que je le vois : la première ce fut l’été dernier, sous l’Odéon. Ce qui frappe surtout chez lui, ce sont ses sourcils froncés toujours, et ses yeux sévères, profonds et pensifs. Quel homme, que celui qui fit Kaïn !

Avant cela, j’ai été au Louvre, où j’ai vu la nou-