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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/261

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cette idée préconçue que Daumier était exagéré et Gavarni si vieilli, si 1830, que c’en était illisible. J’y allais donc pour le reste.

J’en suis revenu avec cette idée post-conçue que 1° Gavarni était un de nos plus charmants aquarellistes, et, bien qu’homme d’esprit (chose commune en France), un homme très profond ; — que 2° Daumier était arrivé quelquefois à des effets extraordinaires par ses jeux de physionomie ; — que 3° Gill avait fait des chefs-d’œuvre ; — que 4° le reste n’existait pas.

Enfin je me disais que si cette exposition m’appartenait, je pendrais les Gills à la place d’honneur de mon salon, je mettrais les Daumiers dans un carton pour les montrer à des amis tous les dix-huit mois ; mais que j’aurais mes Gavarnis dans mon boudoir, si boudoir j’avais, ou ce qui en tient lieu pour les hommes, et mon Musset et mon Heine sous mes Prud’hons et mes Watteaux, pour les regarder à chaque instant et me dire : « C’est exquis, c’est jeune, c’est gracieux, c’est spirituel, c’est profond. »

Un Gavarni : à Bullier, un homme fait aller un pantin par la ficelle, et, gouaillant, à une danseuse :

« Mademoiselle, v’là c’que c’est qu’un homme.

— Connu ! » répond la fille, le poing sur la hanche, et le dos tourné.

Un autre : à un bal de Carnaval, un Pierrot sans le sou, tout souriant, suppliant :