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Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/317

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des faibles hommes, révélatrice de la puissance personnelle, initiatrice vers la Beauté radieuse, c’est toi qui vins à deux reprises illuminer un cerveau d’homme ; c’est toi, une première fois, qui lui dévoilas des rêves splendides, inviolés jusqu’alors par l’imagination humaine ; et c’est toi, une seconde fois, qui lui dis : tu as en toi des puissances infinies ; traduis dans la langue de l’esprit, musique, les voix par toi seul entendues, et console le reste des hommes dans leur détresse irrémédiable, console l’impuissance mortelle en lui chantant ce que tu as rêvé ! Ô Grâce, pourquoi sont-ils si peu nombreux, ceux que ton doigt désigne pour être pénétrés d’amour pour le Beau, et tout-puissants à le réaliser ? Pourquoi, sur un milliard, une tête, à peine ? Où serait le mal si un plus grand nombre pouvait forcer les portes du temple et redire à la foule le rayonnement de la déesse !

La Grâce. — Est-ce toi, homme de peu de foi, qui pleures ainsi. Et de quel droit es-tu attristé ? Ne m’as-tu pas sentie parfois, fugitive et incertaine, te dicter un mot, un vers, en passant vers ceux que je protège ? Ne me connais-tu pas, insensé ? Tu m’invoques, tu sais donc que j’existe ; or, regarde autour de toi la foule montante qui t’environne : sur tant d’hommes que tu connais, combien m’ont sentie comme toi, combien m’ont recherchée, combien m’ont aimée ? Deux ou trois ? Deux ou trois parmi ceux à qui tu parles. Et tu