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Page:Louÿs - Les aventures du roi Pausole, 1901.djvu/89

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que j’aurai perdu. S’il m’attaque, c’est que je serai heureux.

Pausole eut un geste impulsif :

— Prends une cigarette ! dit-il.

Et il la lui tendait d’une main familière.

— Jugeras-tu de la même manière si ton voisin est une voisine ?

— Oh du tout.

— Pourquoi ?

— Les femmes ne sont pas de l’espèce humaine.

— J’espère que tu ne le leur dis pas ?

— Je ne leur dis que du bien d’elles et je le pense toujours.

— Comment les regardes-tu ?

— Comme les meilleures créatures qui soient ; les seules qui sachent rendre le bien pour le bien. Ou même pour le mal, au besoin. Je ne leur ai que de la reconnaissance et pourtant je n’ai rien fait pour elles, que d’en flatter beaucoup et d’en aimer une.

Pausole le considérait :

— Es-tu heureux ? continua-t-il.

— Non. Ni vous non plus, Sire, cela s’entend.

— Alors, pourquoi es-tu gai ?

— Pour me faire croire que je suis heureux.

— Et que te manque-t-il ?