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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/106

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« La première série de sept va vite ; la seconde est lente ; la troisième n’en finit pas. Ce qui m’a le plus éreintée, c’est que j’étais dans un cabinet de restaurant où il n’y avait même pas de canapé. Trois heures la pine au cul sur le parquet ou sur la table, il y a de quoi tomber en faiblesse.

« Enfin, j’ai gagné le pari et Fernande l’a gagné aussi… Je lui ai… rempli jusqu’aux bords… Oh ! je te le dirai jusqu’à ce que tu cries ! Voilà ce que j’ai fait à quinze ans ! Je me suis fait enculer vingt et une fois de suite et j’ai empli de foutre une coupe de champagne et je l’ai donné à boire et je l’aurais bu… Mais qu’est-ce qu’il te faut donc que je t’avoue pour que tu m’appelles salope ? »

Elle retomba sur le lit, aussi faible et brisée que si elle venait de revivre son récit. Je crus qu’elle s’apaisait. Je répondis à voix basse :

« Rien. Tais-toi. Dors. Je vais éteindre. »

Alors elle se souleva sur un coude et reprit, mais d’un ton si calme que je la laissai parler. Je ne soupçonnais pas ce que j’allais entendre.

« Connais-tu M… (elle me le nomma) qui est… (elle me dit son titre) à Aix ? L’avant-dernière année, j’avais dix-huit ans. Il m’a prise pour la première fois un soir de juin. Je le voyais vicieux. Il avait un grand chien avec lui. Je lui ai proposé de sucer le chien.

— Charlotte !

— C’est mauvais, du foutre de chien et c’est fatigant à sucer parce qu’ils n’en finissent pas de décharger, les pauvres cabots ! mais j’étais habituée, va ! et dans le métier de putain un lévrier