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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/148

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J’aurais pu… Mais combien il est difficile d’expliquer à la plupart des gens la scène passionnée qu’ils n’ont pas vécue ! Il est des hommes qui savent tout et qui ne connaissent pas les premiers éléments de la science amoureuse. Je partage mes lecteurs en deux groupes. Les uns me reprochent d’avoir donné auparavant une douzaine de bourrades sur l’épaule gauche de Teresa ; j’ai frappé une femme, ah ! fi !… Ceux-là n’ont jamais été vraiment aimés qui ne savent pas comment les femmes amoureuses se font battre par l’homme qu’elles aiment, et la volupté qu’elles trouvent à souffrir par la main qui les caresse, par le bras qui les étreint. Mais l’autre groupe de lecteurs n’a pas encore compris pourquoi, si j’ai déjà battu cette femme, j’hésite à la flanquer cette fois hors de mon lit. C’est que… cela lui aurait fait mal.

Non, vous ne comprenez pas qu’une douzaine de coups de poing assenés sur l’épaule d’une amoureuse lui font plus plaisir que de souffrance ? mais que, si cette femme lutte avec vous dans une position telle que l’on soit forcé de la prendre par la peau des flancs ou la chair des seins, l’homme qui vient de la battre ne la bat plus ?

Pourtant j’avais envie de la tuer, cette femme accroupie sur mon sexe. Et naturellement cela ne signifie pas que j’avais cessé de la trouver belle.

Elle s’écria, mais si près de ma bouche qu’elle la touchait presque :

« Alors, moi seule je n’aurais pas le droit d’avoir des vices ? Tu sais qu’à huit ans on m’a