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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/168

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XI

Par quel hasard renouvelé rencontrai-je Mauricette une seconde fois dans l’escalier, à deux marches de ma porte ? Je ne sais, mais je n’en fus qu’à peine surpris. Ces sortes de hasards se renouvellent plus souvent qu’ils ne varient.

Muette et boudeuse, elle détourna la tête quand je l’embrassai ; puis elle me suivit librement chez moi. Oh ! pour me faire une scène ! Je m’y attendais bien, j’étais en effet inexcusable : je l’avais abordée la première ; elle s’était donnée ; elle m’avait envoyé elle-même sa mère et ses sœurs par esprit de famille mais depuis deux jours je l’oubliais, elle, Ricette, à qui je devais tout. Les hommes sont des monstres : qu’allait-elle me dire ?

J’avais des remords. J’en eus même davantage une minute après ; car Ricette me parut plus jolie que l’avant-veille et nos remords sont très sensibles aux fluctuations de nos tendresses. Qu’allait-elle me dire ? Je préparais en hâte quelques réponses aux reproches que j’attendais ; mais si j’avais prévu quelque phrase, ce n’était certes pas celle que Ricette avait sur les lèvres.

« Tu vas me dépuceler », dit-elle à mi-voix.

Il ne manquait plus que cela ! Et, comme malgré moi ma physionomie montrait plus de