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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/171

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Oh ! si ! elle était honteuse ! Elle devint rouge comme une enfant à qui son confesseur reproche un péché mortel.

« Comment, tu vas avoir quinze ans et tu ne sais pas !

— Ah ! si je te racontais…

— Oui ; mais c’est de l’enfantillage. Il faut te guérir de ça. Veux-tu essayer ? Veux-tu essayer toute seule avec moi ? »

Elle me mit les bras autour du cou et, cachant sa tête confuse entre ma joue et mon épaule, répondit :

« Oui, je veux bien essayer avec toi. »

À peine avait-elle accepté ma proposition que je regrettai de la lui avoir faite. « Comment ! me disais-je, voilà une gosse que je refuse de dépuceler pour ne pas la faire saigner et je lui offre cela en échange quand je sais que cela lui donne le haut-le-cœur ? Mais, enfin, si elle vomit ?… Ainsi je ne veux pas lui laisser le souvenir d’une souffrance et je risque de lui laisser le souvenir d’une nausée ? Ce sera gai pour elle et moi si l’expérience finit ainsi ! »

Ces tristes réflexions se dissipèrent lentement. Je trouvais l’idée plaisante de donner une leçon à une fille de Teresa. Et puis la difficulté même de la tentative m’attirait. J’espérais un peu qu’avec moi ce ne serait point comme avec les autres ; nul ne se confond avec la foule ; et puisqu’il fallait bien qu’un jour Mauricette apprît à sucer, pourquoi ne serait-ce pas moi qui lui en donnerais le goût ? Oui, je disais le goût, je ne doutais de rien.