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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/185

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de sang, mais elle va se branler pendant quatorze heures… Je t’ai dit que je l’aimais bien ? oui, j’aime sa langue, son doigt, son corps, elle excite mon tempérament de miché. Et je t’ai dit que ce n’était pas une putain, elle non plus ! Non : mais c’est une garce. »

Le déchaînement de Mauricette m’étonna peut-être moins que n’avait fait celui de Charlotte. D’abord c’était pour moi une répétition de changement à vue, comme il l’est pour vous. Les Mémoires sont plus monotones que les romans ; il faut leur pardonner les erreurs de métier que la vie commet et qui nous désolent, parce que nous saurions si bien, d’un trait de plume, tout arranger ! La mine égale le crayon, disait M. Ingres. Ce mot de dessinateur devrait être un dogme pour les romanciers ; mais on ne doit pas l’apprendre aux mémorialistes.

Et puis… mais il faudrait avoir connu les deux jeunes filles… Elles offraient une série de contrastes que vous n’auriez pas la patience d’entendre si j’avais celle de vous les dire. Dans sa quinzième année, Ricette piaffait à chaque mot et Charlotte à vingt ans n’était que langueur. La précocité de la plus jeune laissait place à moins de surprises que l’aspect las, passif, de la triste Charlotte.

D’ailleurs, je ne me crus pas permis de garder un silence distrait pour me livrer à un exercice de parallèle psychologique.

Il me fallait répondre. Je n’avais que trop attendu.

Une jeune fille était venue m’offrir son pu-