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Page:Louÿs - Trois filles de leur mère, 1979.djvu/218

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parade… !) Eh bien ! vous devinez ce qui arriva ? Les jeunes putains ni les jeunes filles moins ouvertement putains, ne reculent point devant l’absurdité des comédies qu’elles improvisent. Plus c’est extravagant, plus elles s’amusent et leur jeunesse fait tout passer.

Ricette encore une fois me prit à l’écart et me dit en riant :

« Jouons vite ! Je suis pressée ! J’ai le feu dans le derrière !… »

À ce mot elle rit si fort qu’elle ne pouvait plus parler. Elle reprit pourtant :

« Et j’ai pas de chance parce que je passe à la fin ! Après moi, naturellement, y aura un entracte ! »

Charlotte nous interrompit, mais avec un visage heureux que je ne lui avais pas vu depuis le commencement de la soirée :

« Tu sais ce qu’on va faire ?

— Oh ! pas du tout ! Je serais même curieux de savoir comment on peut construire un drame ou une comédie entre une pierreuse, une arlequine et une écolière. Vous avez une belle imagination toutes les trois !

— C’est pas malin. On fera des scènes, comme dans les revues. On passera l’une après l’autre. »

J’aimais mieux cela. Pas vous. Mais moi. Quand on se prépare à dépuceler une jeune fille de quatorze ans, il vaut mieux ne pas se fatiguer l’esprit. Je laissai donc les trois sœurs se partager les rôles et en donner un même à leur mère bien qu’elle ne fût pas costumée. Mais Ricette, qui n’y tenait plus et qui sautait d’un