Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/386

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choisissant pour rebâtir sa maison un terrain consacré à la déesse Libertas[1]. Il paraît que beaucoup d’ennemis de Pompée encourageaient Clodius et l’aidaient secrètement. Crassus lui-même était soupçonné de lui donner de l’argent ainsi qu’à Caius Caton.

Le 8 des ides de février (12 janvier 698), Milon parut devant ses juges[2]. Lorsque Pompée voulut prendre la parole pour le défendre, la multitude, excitée par Clodius, le reçut avec des huées et des injures. La plèbe urbaine connaissait toutes les vanités de Pompée et les blessait toutes avec un art perfide. Celui-ci cependant, quoique interrompu à chaque instant, garda son sang-froid et s’efforça de parler. Clodius lui répondit ; mais ses adversaires avaient aussi une populace organisée et soldée pour l’outrager et chanter des vers infâmes sur ses amours avec sa sœur[3]. Dans cette étrange et ignoble dispute, Milon était oublié ; il n’y avait plus qu’une sorte de duel entre Clodius et Pompée. Clodius, au milieu de ses satellites, s’écriait en forçant la voix : « Quel est l’homme qui nous fait mourir de faim ? » Et toute la populace, avec l’ensemble d’un chœur de tragédie, de crier : « Pompée ! » — « Qui voudrait aller en Égypte ? » reprenait Clodius. — « Pompée ! » répondaient mille voix. — « Qui faudrait-il y envoyer ? » — « Crassus[4] ! » Clodius ajoutait : « Quel est l’autocrate que rien ne contente ? Quel est l’homme qui cherche un homme ? Qui se gratte la tête d’un seul doigt ? » — « Pompée ! Pompée ! » criait toujours la foule. Après s’être provoqués de la sorte, les deux partis, las de vociférer, en vinrent aux

  1. Dion-Cassius, XXXIX, xx.
  2. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.
  3. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii.
  4. Cicéron, Lettres à Quintus, II, iii. — Ce mot donne, suivant nous, l’explication de la querelle qui existait alors entre les deux triumvirs. L’Égypte était une proie si riche qu’elle devait les diviser.