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Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 2, Plon 1865.djvu/397

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hommes haineux et intraitables, la plupart des sénateurs subissaient l’impulsion générale, comme le prouvent les discours de Cicéron[1].

Mais si, d’une part, on nous représente les membres de ce prétendu triumvirat ligués étroitement entre eux contre la République ; de l’autre, Dion-Cassius soutient que, dès cette époque, Pompée et Crassus conspiraient contre César. Cette opinion n’est pas mieux fondée. On voit, au contraire, par une lettre de Cicéron, combien Pompée prenait chaudement alors le parti de son beau-père. Pompée, en quittant Lucques, rencontra Quintus Cicéron, et, l’apostrophant vivement, il le chargea de rappeler à son frère ses engagements passés : « Cicéron ne devait pas oublier que ce que Pompée avait fait pour son rappel était aussi l’œuvre de César, dont il avait promis de ne point attaquer les actes ; que, s’il ne voulait pas le servir, il s’abstînt du moins de toute hostilité[2]. » Ces reproches ne restèrent pas sans effet. Cicéron, très-enclin à se tourner du côté de la fortune, écrivit à Atticus : « Il y a fin à tout ; et puisque ceux qui ne peuvent rien ne veulent plus de moi, je chercherai des amis parmi ceux qui ont la puissance[3]. »

Déjà il avait voté avec les sénateurs des actions de grâces pour les victoires de César, et depuis il secondait de ses efforts toutes les propositions en faveur du vainqueur des Gaules. Comme le rôle de Cicéron dans cette occasion a eu

  1. « Pourquoi attendrais-je qu’on me réconcilie avec César ? Cette réconciliation n’a-t-elle pas été faite par le sénat ? le sénat, conseil suprême de la République, ma règle et mon guide dans toutes mes opinions. Je marche sur vos pas, sénateurs, j’obéis à vos conseils, je cède à votre autorité… Tant que les démarches politiques de César n’ont pas eu votre approbation, vous ne m’avez pas vu lié avec lui. Lorsque ses exploits ont changé vos sentiments et vos dispositions, vous m’avez vu non-seulement accéder à vos décisions, mais encore y applaudir tout haut. » (Cicéron, Discours sur les provinces consulaires, x).
  2. Lettres familières, I, ix.
  3. Lettres à Atticus, IV, v.