Aller au contenu

Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il s’agissait, pour le petit employé à la Préfecture de la Seine, de conquérir une seconde fois son indépendance. Car il n’avait qu’un mois de congé par an… et c’est peu pour un conteur rustique. Pendant onze mois, il rongeait son frein. Il avait bien emporté sa pioche à écrire, mais la bonne terre natale et tout ce qui l’anime lui manquaient pour travailler allègrement. Chaque année, au retour des vacances, il vidait son carnier, en retirait successivement La Revanche du Corbeau, La Guerre des boutons, Miraut chien de chasse… Il faisait ainsi durer le plaisir longtemps, le plaisir de prolonger, par la pensée, l’existence d’un mois au grand air. Il aspirait au succès beaucoup moins par esprit de lucre que pour réaliser le rêve de vivre la plupart du temps à la campagne, de son métier.

Il n’était pas, somme toute, le plus à plaindre ; il songeait à son ami Léon Deubel, Franc-Comtois comme lui, au poète, mort jeune, de misère et d’épuisement… Mais l’homme d’action réveille à chaque instant les songeurs de cette forte espèce ; et Louis Pergaud ne s’attendrissait sur le camarade disparu, que pour réunir son œuvre dispersée, et la publier.