Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/168

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Grangibus, le premier, reprit un peu son sang-froid, s’exclamant :

— Faut le retirer. Déshabillons-nous et on fera la chaîne.

— Il est trop loin ! trop loin ! Mon Dieu, mon Dieu ! pleurait Tintin.

— Nos ficelles, nos ficelles ? reprit Grangibus en tapant sur ses poches. Vite, vite !

Et, prestement doublées, les ficelles qui devaient servir, l’heure d’avant, à ligoter les voleurs, furent nouées bout à bout en un clin d’œil.

On jeta ce lien à Lebrac qui le manqua à deux reprises, puis réussit enfin à en saisir l’extrémité :

— Tiens bon ! lui cria-t-on.

Et les cinq camarades, faisant la chaîne en s’empoignant par le milieu du corps, tirèrent sur Grangibus qui avait enroulé la cordelette autour de son bras.

Lebrac fut décollé de la vase et fit un grand pas vers la rive, quand la ficelle cassa net et il se mit à enfoncer de nouveau sans songer, hypnotisé par on ne sait quoi, à avancer vers le bord. Le danger renaissait.

— La perche, une perche, reprit Grangibus qui ne perdait plus le nord.

Camus, parmi celles qu’on avait arrachées à une clôture voisine, choisit la plus longue et la plus solide et on la tendit à l’enlisé, dont les yeux ronds semblaient vouloir sortir des orbites.