Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/119

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je fabrique des armes, de la poudre, je construis des forteresses.

Toute la vie de nos classes dirigeantes, dites supérieures, est également une constante contradiction, d’autant plus douloureuse pour un homme que sa conscience est plus sensible et plus haute.

L’homme doué d’une conscience impressionnable ne peut pas ne pas souffrir d’une pareille vie. Le seul moyen de se débarrasser de cette souffrance est d’imposer silence à sa conscience ; mais si quelques-uns y parviennent, ils ne réussissent pas à imposer silence à leur peur. Ils souffrent de la peur ou de la haine, et ils ne peuvent pas ne pas souffrir. Us connaissent toute la haine que nourrissent contre eux les classes laborieuses ; ils n’ignorent pas que les ouvriers se savent trompés et exploités et qu’ils commencent à s’organiser pour secouer l’oppression et se venger des oppresseurs. Nos classes aisées ne peuvent pas, comme les anciens qui croyaient en leur droit, jouir des avantages dont elles ont spolié le pauvre. Toute leur vie et tous leurs plaisirs sont troublés par le remords ou la peur.

La contradiction politique est encore plus frappante. Toute la vie de notre époque est établie sur les lois. L’homme ne fait rien, ni dans sa vie privée ni dans sa vie sociale sans se conformer à la loi. Quelle est donc cette loi sur laquelle repose toute notre existence ? Les hommes y croient-ils ? La considèrent-ils comme vraie ? Nullement. Les hommes ne croient pas à la justice de cette loi, ils la méprisent et s’y soumettent.

On comprend que les juifs aient obéi à leurs lois