Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/125

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sans gouvernement ; que ce serait une doctrine terrible — pourquoi ? — d’anarchie, et qui se présente accompagnée d’un cortège de calamités. On croyait, comme à quelque chose de prouvé, que puisque jusqu’à présent tous les peuples se sont développés sous la forme d’états, cette forme reste à jamais la condition essentielle du développement de l’humanité.

Si le travailleur n’a pas de terre, s’il est privé du droit le plus naturel, celui d’extraire du sol sa substance et celle de sa famille, ce n’est point parce que le peuple le veut ainsi, mais bien parce qu’une certaine classe a organisé ainsi les choses. Et cet ordre de choses contre nature est maintenu par l’armée. Si les immenses richesses amoncelées par le travail sont considérées comme appartenant non pas à tous, mais à quelques-uns ; si les grèves des ouvriers sont réprimées et celles des capitalistes protégées ; si certains hommes ont le privilège de faire des lois auxquelles 1 tous les autres doivent se soumettre, et de disposer ainsi des biens et de la vie de chacun, — tout cela a lieu non parce que le peuple le veut, mais bien parce que les gouvernements et les classes dirigeantes le veulent ainsi pour leur profit et l’imposent au moyen d’une violence matérielle.

On n’a qu’à étudier le mécanisme compliqué de nos institutions basé sur la coercition pour se convaincre à quel point la coercition ou la violence est contraire à la nature humaine. Pas un juge ne se décidera à pendre de sa main celui qu’il a condamné selon l’article du code. Pas un employé ne se décidera à enlever un villageois à sa famille éplorée pour le jeter