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III

Pour aveugler la majorité, la minorité a inventé la fable que le genre humain constitue un organisme vivant et que les hommes sont des différentes particules d’organes ayant chacun leur mission spéciale qui sert à l’organisme entier. Cette théorie ne tend qu’à faire reconnaître la division du travail qui existe dans la société actuelle. Il suffît, en effet, de considérer la société humaine comme un organisme, et dès lors chaque membre de la société peut estimer que son activité, quelque forme qu’elle prenne, est une activité fonctionnelle de l’organisme du genre humain, sans qu’il soit besoin de s’inquiéter s’il est juste que tel membre de la société, en profitant du travail d’autrui, fasse uniquement ce qui lui plaît, ni si la division du travail entre la cellule du cerveau et celle des muscles est équitable. Comment ne pas. admettre une théorie si séduisante^ pour pouvoir ensuite vivre d’une vie débridée, fort d’un appui, dit scientifique ? C’est sur cette doctrine que se fonde la justification de l’oisiveté et de la cruauté de certaines classes de la société.

La distribution du travail est la loi de tout ce qui existe ; elle doit donc régir les sociétés humaines. Mais la distribution du travail qui est établie dans notre société est-elle juste ? est-elle vraiment celle qui doit être ? La distribution du travail est une condition de la vie des organismes et des sociétés humaines, mais qu’est-ce qu’on doit, dans les socié-