Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/137

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n’ait éprouvé une impression d’horreur et de répulsion, non seulement à la vue des êtres humains suppliciés par leurs semblables, mais au simple récit de la guillotine, du knout ou du gibet. Notre cœur dit haut et clair : point d’exécutions ; la science dit : point d’exécutions, le mal ne peut pas faire cesser le mal ; — et on continue à considérer les tribunaux comme une institution chrétienne et les juges comme chrétiens !

Il est rare de trouver aujourd’hui un homme qui croie que toutes les violences qui se commettent : impôts, servage, prison, déportation, guerre, etc., défendent quoi que ce soit contre le mal, et qui ne voie pas que la plupart des violences auxquelles il est soumis ou auxquelles il participe sont en elles-mêmes une grande et inutile calamité.

Que faire ?

On ne peut pas prouver que la destruction de l’organisation actuelle amènerait un chaos social et le retour de l’humanité à la barbarie. On ne peut pas prouver non plus que les hommes sont déjà devenus assez sages et assez bons, qu’ils préfèrent les relations pacifiques à la haine. On ne peut prouver par un raisonnement abstrait ni l’une ni l’autre de ces thèses.

La question de savoir si le temps de renversement de l’État est arrivé ou non serait insoluble, s’il n’existait pas un autre moyen de la résoudre avec certitude.

Il n’y a qu’un moyen d’arrêter le mal : c’est de rendre le bien pour le mal, sans acception de personnes.