Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/145

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effrayante. Mais cela nous semble ainsi seulement parce que la première transition est déjà accomplie, et que les mœurs qu’elle a fait naître nous sont devenues habituelles, tandis que la transition actuelle n’est pas encore terminée et que nous devons la poursuivre consciemment.

Des siècles, des milliers d’années ont passé avant que la conception sociale ait pénétré dans la conscience des hommes. Elle a passé par diverses formes et est entrée aujourd’hui dans le domaine de l’inconscience par l’hérédité, l’éducation, l’habitude. C’est pourquoi elle nous semble naturelle. Mais il y a cinq mille ans, elle paraissait aux hommes aussi peu naturelle et aussi effrayante que la doctrine chrétienne dans son véritable sens le leur semble aujourd’hui.

L’humanité entre maintenant dans un âge social nouveau. Elle connaît la doctrine qui doit servir de base à ce nouvel âge, mais elle continue par inertie à conserver les anciennes formes de la vie. De cet antagonisme de la nouvelle conception avec la pratique de la vie, résulte une série de contradictions et de souffrances qui empoisonnent notre existence et exigent sa modification. Ni l’homme ni l’humanité ne peuvent revenir en arrière ; il leur faut marcher en avant et s’assimiler la conception suivante, supérieure. La conscience des hommes ne peut pas être apaisée par de nouvelles inventions, mais seulement par une vie nouvelle, dans laquelle il n’y aura ni besoin ni lieu de se justifier.

Le temps viendra — il vient déjà — où les vrais principes de la vie : fraternité, égalité, communauté des biens, la non-résistance au mal par la violence,