Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/169

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dans leur dessein, pour les comprendre ; apprécions en elle-même leur œuvre réalisée, au lieu de regretter qu’ils n’aient pas deviné notre esthétique. L’artiste n’a pas besoin de nos idées abstraites. S’il a une âme, c’est-à-dire du talent, son œuvre aura toujours une idée, même si la symétrie de ses lignes n’est pas absolue : ce ne sont pas les lignes symétriques qui font la beauté harmonieuse d’une œuvre, c’est l’étincelle que lui communique son créateur.

L’esprit analytique de Tolstoï n’admet aucune des définitions existantes de l’art. Il trouve que l’esthétique n’a pas encore donné ce qu’on pouvait attendre de l’activité cérébrale de l’homme, qu’elle n’a pas déterminé les propriétés et les lois de l’Art ou du Beau ; si le Beau en est l’essence, ou les propriétés du goût, si, comme le veulent Voltaire et Diderot, dans la critique de l’art, c’est le goût qui décide. L’auteur de Anna Karénine né veut pas envisager l’art comme la manifestation du beau, « c’est-à-dire du plaisir, » et, fidèle à sa théorie de simplification, il nous propose sa propre définition de l’art qui est celle-ci : « L’art est une des conditions de la vie, étant en même temps un moyen de communion entre lés hommes. » L’art, d’après Tolstoï, est une activité humaine qui consiste en ce qu’un homme exprimé consciemment aux autres, au moyen de certains signes extérieurs, les sentiments qu’il a ressentis et, en ce que ses semblables se pénètrent de ses sentiments et les revivent.

Cette conception de l’art est en harmonie parfaite avec l’état d’âme actuel de Tolstoï, avec toutes ses idées nouvelles. L’apôtre de Iasnaïa-Poliana est