Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/178

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moral de la vie humaine. » L’art doit épurer, ennoblir tout ce qu’il touche. On voit que les idées de Tolstoï diffèrent sensiblement de celles de M. Ferdinand Brunetière[1].

Ce dernier prétend que dans toute forme d’art il y a un genre d’immoralité, non pas seulement dans ses formes inférieures, mais même dans les chefs-d’œuvre du plus grand art. Pour M. Brunetière, la prétendue chasteté de la sculpture est une hypocrisie. Suivant l’auteur dé la Moralité de la doctrine évolutive, l’art n’agit sur nous que par l’intermédiaire des sens. Il y a bien du Tolstoï dans cette phrase, mais du Tolstoï incomplet, incompris et mal interprété. Le penseur de Iasnaïa-Poliana estime que la nature est belle et morale. « Le bonheur, dit-il, c’est de vivre avec la nature, de la voir, de la sentir, de lui parler[2]. » Pour l’auteur de la Renaissance de l’Idéalisme, toute morale est une réaction contre la nature, et l’imitation de la nature ne peut conduire qu’à l’immoralité. Un esthéticien allemand, Folgeldt, affirme, avec M. Brunetière, que chercher de la morale dans l’art est une pure folie. Inutile, n’est-ce pas, de protester contre ces idées ? La moralité de l’art est au-dessus de ces discussions. Comme la religion la plus pure, l’art offre le secret de nous apprendre à vivre une belle vie et une vie morale. Car la poésie, la peinture, la musique nous apportent des impressions délicieuses et pures, nous y puisons souvent nos enthousiasmes, nos espérances indis-

  1. L’art et la morale.
  2. Pensées de Tolstoï, p. 108, pensée 261.