Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/48

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« Léon Nikolaïevitch, pourquoi apprendre le chant ? J’y songe souvent, je vous l’avoue ; à quoi sert de chanter, surtout quand on a besoin de travailler[1] ? »

Cette question frappa profondément Tolstoï, et, ne devons-nous pas voir là le germe de ses idées futures sur l’art ? Il organisa aussi des promenades avec les élèves. Et en dehors de l’école, en pleine liberté, en plein air, il s’établit entre les élèves et le maître des rapports nouveaux, où régna la plus grande franchise d’allures. Tolstoï écrivait alors : « Le jeune paysan ne sent point le froid qui le mord à travers les déchirures de son caftan, mais les problèmes nouveaux, les doutes le tourmentent. Travailler, il l’apprendra lui-même comme il apprit à respirer. Il a besoin de ce à quoi aboutit notre vie et celle des générations que n’écrasât point le travail ; vous avez eu le temps de chercher, de penser, de souffrir ; donnez-lui donc le résultat de vos souffrances ; de cela seul il a besoin[2]. »

L’école et la revue existèrent environ trois ans. La misère des moujiks exaspérait Tolstoï. Le nombre d’élèves diminuait, les parents ayant besoin de leurs bras. Bientôt tout lui devint insupportable ; de nouveau il tomba malade plutôt moralement que physiquement ; enfin il abandonna tout et partît pour le désert, chez les Baschkirs, respirer l’air « et vivre de la vie animale ».

  1. École de Iasnaïa-Poliana.
  2. Iasnaïa-Poliana.