Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/67

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marais, tandis qu’il était lui-même embourbé dans une fondrière ». À chaque effort qu’il faisait, « il sentait s’enfoncer le sol, qui ne pouvait le porter ». Il sentait que sa vie était mal organisée, mais il ne parvenait pas encore à tirer cette conclusion « si simple et si claire » qu’avant de changer la vie des autres, il est nécessaire de changer et d’améliorer sa propre vie.

Vers cette époque, c’est-à-dire vers 1883, Tolstoï fit la connaissance d’un moujik, Bondarev, et c’est dans cette rencontre que nous pouvons voir l’une des causes principales qui ont contribué à la conversion définitive de Tolstoï.

Avant la rencontre avec Bondarev, la recherche du sens de la vie avait amené Tolstoï à la Foi, mais il lui manquait encore « quelque chose » ; il sentait que « sa vie était mal organisée » ; c’est le moujik Bondarev qui lui suggéra ce « quelque chose » vers quoi aspirait Tolstoï et qui établit l’unité dans sa propre vie, sans laquelle il est impossible de saisir l’unité de l’Univers.

Bondarev appartenait à la secte religieuse très nombreuse en Russie, connue sous le nom de Sabbatistes. Les disciples de cette secte observent non pas le dimanche, mais le samedi : le sabbat. Ils n’admettent ni rites, ni icônes ; ils ne lisent guère que la Bible où ils cherchent et découvrent toutes les règles de la vie. « Le sabbatisme n’est guère qu’une forme de l’unitarisme. En rejetant le dogme de la Trinité, les lecteurs de la Bible en sont revenus à la tradition mosaïque et ont rendu à l’Ancien Testament le pas sur le Nouveau. Les sabbatistes de Russie ont adopté