Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/84

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est un maître des plus grands, de ceux qui porteront témoignage pour le Siècle[1]. »

Toute l’œuvre de Tolstoï peut être considérée comme une autobiographie. Tolstoï peut dire avec Amiel : « Je me suis toujours pris comme matière à étude, et ce qui m’a le plus intéressé en moi, c’est l’agrément d’avoir sous la main un homme, une personne dont je pouvais sans importunité et sans indiscrétion, suivre toutes les métamorphoses, les secrètes pensées, les battements de cœur, les tentations, comme échantillon de la nature humaine[2]. »

Le héros des Cosaques, Olénine, est la personne peu voilée du jeune Tolstoï même, à l’époque où il n’avait foi qu’à l’individu, à la force individuelle et au progrès individuel, où tout son credo se résumait dans la phrase de Jeroschka : « Nous mourrons tous, l’herbe croîtra sur notre tombe, et ce sera tout. » Dans Guerre et Paix l’âme de Tolstoï reparaît dans les doutes de Bezouchov. C’est Lévine qui, dans Anna Karénine, nous fait voir ses doutes et ses angoisses et nous laisse pressentir d’où l’on peut attendre la lumière et la paix.

La Confession, ma Religion, les Évangiles sont la suite de Guerre et Paix et Anna Karénine, — moins le sourire, et c’est dommage : le sourire reste malgré tout et quand même une arme mille fois plus précieuse que le sermon.


  1. Vte E.-M. de Vogüé. Le Roman russe, p. 281.
  2. Journal intime, p. 234.