Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/93

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Le mouvement de la vie ne consiste pas dans la recrudescence et dans l’accroissement de la lutte des êtres, mais au contraire dans la diminution de la discorde, dans l’affaiblissement de la lutte, et la vie ne progresse que lorsque le monde, se soumettant à la raison, passe de la discorde et de l’inimitié à la concorde et à l’union.

La soumission de l’individualité à la conscience réfléchie n’est pas le renoncement à cette individualité. La misère de l’existence de l’homme provient, non pas de ce qu’il est une individualité, mais de ce qu’il prend l’existence de cette individualité pour la vie et le bonheur. L’homme ne peut ni ne doit renoncer à son individualité pas plus qu’à aucune autre des conditions de son existence ; mais il ne peut ni ne doit prendre ces conditions pour la vie même.

On peut et on doit user des conditions présentes de la vie, mais l’on ne peut, ni l’on ne doit regarder ces conditions comme le but de la vie. Les souffrances physiques sont une condition indispensable de la vie et du bonheur des hommes. La douleur non seulement n’est pas un mal, mais elle est une condition indispensable de la vie animale aussi bien que de la vie rationnelle. Si la douleur n’existait pas, l’individualité animale ne serait pas avertie des transgressions de sa loi ; si la conscience réfléchie n’éprouvait pas la souffrance, l’homme ne connaîtrait jamais la vérité et ignorerait la loi de son être. Il faut comprendre les souffrances des individualités, les causes des erreurs humaines et l’activité qu’il faut déployer pour les diminuer. Il ne faut jamais oublier que la